Bien des gens pourraient avoir la syphilis sans le savoir. Ses symptômes peuvent être de si faible intensité qu’ils peuvent passer inaperçus. Il est donc important de vous faire dépister régulièrement si vous êtes une personne sexuellement active. Les taux de syphilis et de syphilis congénitale sont en hausse au Canada. 

L’animatrice Annie Stewart s’entretient avec Geneviève Gravel, gestionnaire de la Section des ITS et des hépatites de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), pour parler des symptômes de la syphilis, du dépistage et de traitement de cette infection ainsi que de l’importance de la normalisation des pratiques de santé sexuelle.

 

Transcription

[Son de pouls]

[Musique]

Annie J. Stewart : Bonjour ! Bienvenue à Canadiens en santé, un endroit où nous offrons des conversations nuancées avec des experts de la santé.

Mon nom est Annie Stewart. Notre discussion aujourd'hui porte sur la syphilis. Pour en parler avec moi, j'ai le plaisir de m'entretenir avec Geneviève Gravel. Geneviève est gestionnaire de la section des ITS et des hépatites au sein de la division de la surveillance des ITSS à l'Agence de la santé publique du Canada.

Mais, d'abord, bien que le balado Canadiens en santé vous soit présenté par Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada, nos discussions ne vont pas nécessairement toujours refléter les positions ou les politiques officielles du gouvernement du Canada. Ce sont des discussions informelles, pas un communiqué de presse.

Maintenant, parlons de la syphilis.

[Son de pouls]

Annie : Donc Geneviève, bonjour ! Merci d'être ici. Toi, Geneviève, tu es une spécialiste de la surveillance des ITSS et des hépatites. Tu travailles dans le domaine depuis combien d'années ?

Geneviève Gravel : En fait je suis dans la surveillance des ITSS depuis 2011.

Annie : Donc, tu es bien placée pour nous expliquer l'étendue du problème dont on va parler aujourd'hui. La syphilis fait les manchettes. Vous la voyez. Vous voyez la hausse des cas rapportés dans vos systèmes de surveillance. Elle fait aussi les manchettes de revues scientifiques. On parle d'épidémie silencieuse.

Donc Geneviève, comment peut-on expliquer cette montée en flèche du taux d'infection de la syphilis au Canada? Parce que moi, si je pense à la syphilis, je pense aux années 1800. Je pense à Baudelaire. Je pense aux grands poètes qui mourraient justement d'une infection à la syphilis. Donc, il y a un contexte historique. Je comprends qu'il y a aussi un contexte international. Avec tout ça, est-ce qu'on peut aussi identifier quelques groupes qui sont plus à risque?

Geneviève : En fait, il y a plusieurs choses qui peuvent l'expliquer. On a plusieurs hypothèses quant à la cause de la hausse. On parle, par exemple, du relâchement de l'utilisation du condom chez les plus jeunes. Il y a probablement d'autres choses aussi, souvent des facteurs qui jouent avec les ITSS, comme, les personnes utilisatrices de drogues. Certaines de ces personnes peuvent être plus à risque d'ITSS par l'utilisation des drogues par injection, par exemple. Mais en fait, les facteurs sont divers.

Juste pour placer quelques statistiques quand on parle des taux de syphilis infectieuse. La syphilis infectieuse, c'est quand on peut la transmettre d'une personne à l'autre. Généralement, quand on regarde l'épidémiologie, on s'intéresse à la syphilis infectieuse. Donc, ces taux-là ont augmenté de 109 % au cours des 4 dernières années. C'est très important. Au total, on a près de 14 000 cas de syphilis infectieuse qui ont été déclarés en 2022. En termes épidémiologiques, on parle de taux. On dit que c'est 36 cas pour 100 000 personnes. Donc c'est quand même beaucoup.

C'est sûr que tout ça, ça s'insère dans un contexte un peu international. On voit que c'est aussi en augmentation aux États-Unis, en Australie… On regarde beaucoup les pays qui sont un peu similaires au nôtre. Au Royaume-Uni aussi, c'est en augmentation. Même au Japon, récemment, on voit qu' ils ont une augmentation de cas aussi. Donc, c'est sûr que c'est préoccupant.

Au niveau du Canada, nous, ce qu'on a constaté, c'est qu'avant la syphilis touchait surtout les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. On les appelle les GB HARSAH pour le court. Alors qu'avant c'était particulièrement eux qui était la population affectée, plus récemment on voit qu'il a une augmentation des cas de syphilis chez les femmes.

C'est sûr qu'en surveillance, on n'a pas toujours tous les détails, mais on voit que la syphilis est maintenant plus répandue chez les populations hétérosexuelles. Donc, on sait qu'il y a certains facteurs qui rendent certaines personnes plus vulnérables. Par exemple, il y a certaines femmes qui peuvent faire face à de la défavorisation, après ça, avoir aussi à vivre de la violence sexuelle avec leurs partenaires. C'est sûr que tout ça, ça les met plus à risque d'être infectées par des ITSS dont la syphilis infectieuse.

Annie : Donc, il y a eu une évolution dans la transmission et dans les populations que ça touche.

Geneviève : Oui, absolument. C'est ça qu'on voit vraiment. Parce que depuis 2018, nos taux sont en augmentation importante. Comme je disais, au cours des 4 dernières années, nos cas ont doublé à l'échelle nationale.

Annie : C'est quand même inquiétant.

Geneviève : Oui, absolument. Puis, c'est pas partout égal. On voit qu'à travers le pays, il y a des provinces ou des territoires qui sont plus affectés que d'autres, qui ont plus de cas. Ou des fois, on parle de taux aussi, parce que le taux, ça nous permet de comparer une petite province avec une grosse province en prenant la population totale en compte. Ça nous permet d'avoir une mesure qui est similaire.

Annie : Mais, malgré ces explosions-là, malgré le fait que les taux sont élevés, il y a quand même un traitement et on peut se faire dépister.

Geneviève : Oui, absolument. C'est ça l'excellente nouvelle avec la syphilis. Il y a un dépistage qui peut être fait ou un test aussi. Le dépistage, en fait, c'est un test lorsqu'il y a absence de symptômes. Donc, il y a un test qui peut être fait même en l'absence de symptômes et il y a un traitement qui existe et qui est très efficace. Il n'y a pas encore de résistance au niveau du traitement de la syphilis.

Annie : Excellente nouvelle ! Donc quand on parle de syphilis, Geneviève, ça se transmet comment ?

Geneviève : C'est sûr que ça ne s'attrape pas sur un siège de toilette. La syphilis, elle peut être transmise par des relations sexuelles vaginales, anales ou orales. On parle aussi du partage de jouets sexuels. Lors de transfusions sanguines aussi. Ou, par exemple, par l'injection de substance si ça a été contaminé. On parle d'un contact cutané aussi avec des lésions de la syphilis, soit le chancre ou les éruptions cutanées du stade secondaire. Ça peut être aussi à travers le placenta à un fœtus en développement. Et ça peut être aussi lors de l'accouchement parce que le bébé va entrer en contact direct avec des lésions ou des liquides.

On dit que l'utilisation adéquate de condom ou de digue dentaire, par exemple lorsqu'on fait du sexe oral, ça peut réduire le risque de la transmission de la syphilis.

Annie : Donc, ce que je retiens de ce que tu viens de nous dire, c'est que même sans pénétration, dès qu'il y a des attouchements, s'il y a des peaux qui se frottent et qu'il y a des chancres ou des choses comme ça, ça peut être transmis.

Geneviève : Oui, absolument.

Annie : Est-ce qu'il y a des groupes d'âge dans lesquels les taux sont en hausse de façon un peu surprenante peut-être ou inattendue ?

Geneviève : On parle surtout des plus jeunes quand on pense à la syphilis, donc 20 à 39 ans. Ce sont les groupes qui ont des taux les plus élevés et qui sont en hausse. Mais, il y a d'autres groupes qui sont aussi en hausse, pour lesquels la syphilis est aussi en hausse. On parle des 15-19 ans, mais aussi de façon assez importante les 40 à 59 ans. Et les 60 ans et plus aussi, il y a une légère augmentation au cours des 2 dernières années. En fait, on parle de 2021, 2022, parce que les dernières données qu'on a, à l'heure actuelle, c'est 2020-2022

Annie : Donc la vie sexuelle, ça ne s'arrête pas à 40-45 ans.

Geneviève : Apparemment, non, pour notre plus grande joie.

Annie : Donc, on dit que ça touche un peu tout le monde, tout dépendant des contextes socio-économiques, des fois, ça peut jouer là-dedans aussi. Et ça va toucher aussi les femmes enceintes.

Geneviève : Oui. Une femme qui aurait la syphilis pourrait la transmettre à son nouveau-né. Puis, ça pourrait avoir aussi des conséquences sur le nouveau-né. En fait, ça causerait un cas de syphilis congénital qu'on appelle.

Annie : Et puis ça, ça affecte l'enfant et la mère.

Geneviève : En fait, la mère va avoir, elle, la syphilis. Puis, au cours de la grossesse ou lors de l'accouchement, elle pourrait le transmettre à son enfant. Puis l'enfant pourrait avoir des séquelles. Dépendamment du stade de la grossesse auquel il serait infecté, il peut avoir des séquelles plus ou moins graves.

Annie : Donc les femmes devraient pouvoir se faire dépister durant leur grossesse, c'est ce que tu dis, c'est à leur avantage de le faire.

Geneviève : Oui, exactement. En fait, le dépistage de la syphilis c'est un test qui est prescrit pendant le suivi prénatal, puis ça devrait même survenir à plusieurs occasions habituellement. Pour les femmes qui sont plus à risque, ou dans certaines régions où il peut avoir des éclosions, le dépistage répété va être recommandé.

Annie : Intéressant ! Justement, on parle de dépistage. On va parler un peu de symptômes avant. On dit que la syphilis a des symptômes des fois difficiles à cerner. On l'appelle l'imitatrice… C'est sournois. D'après toi, est-ce que c'est vrai ça ? Décris-moi un peu les symptômes de la syphilis.

Geneviève : Il y a beaucoup de gens qui ne vont pas remarquer les symptômes parce que c'est ça, on l'appelle la grande imitatrice à cause des symptômes… En fait, la syphilis a différents stages. Au niveau de la syphilis primaire qui est habituellement dans les 3 premiers mois, ça va être souvent un chancre. Un chancre, c'est une plaie ou un ulcère qui va être ferme, qui va être rond, mais qui sera indolore, donc sans douleur. Si, par exemple, pour une femme, le chancre est à l'intérieur des parties génitales bien à ce moment-là, il n'est pas remarqué par la femme. Et comme il est indolore, elle n'aura pas de symptômes. Elle ne va rien constater, donc elle ne sera pas portée à aller voir le médecin.

La syphilis va continuer à progresser. Elle va devenir une syphilis secondaire. Ça, généralement, c'est dans les 2 à 12 semaines après l'exposition à la syphilis. Ça va être plus des symptômes généraux de malaise comme la fièvre, des maux de tête… Il peut y avoir des symptômes un peu plus spécifiques comme la perte de cheveux. On va avoir une inflammation des ganglions aussi au niveau de l'aine. Ça, c'est près de près des parties génitales, entre la jambe et les parties génitales. Une inflammation aussi peut-être au niveau du cou si on a été infecté au niveau de la bouche. Il va y avoir des ulcères blancs aussi qui ressemblent à des petites verrues qu'on appelle des condylomes plats. Ou il peut y avoir une éruption cutanée. L'éruption cutanée de la syphilis est un peu particulière parce qu'elle va être aussi dans la paume des mains et sur la plante des pieds. Pas toujours, mais généralement elle serait comme ça.

La syphilis va continuer d'évoluer puis elle va devenir une syphilis latente qu'on appelle. Après, ça va devenir une syphilis tertiaire. À ce moment-là, il n'y a plus vraiment de symptômes qui vont être apparents jusqu'à ce que ça devienne une neurosyphilis. Là, c'est une atteinte au niveau du système nerveux. En fait, les symptômes nerveux peuvent survenir à n'importe quel stade de la syphilis, mais généralement on s'y attend plus à un stade avancé.

Au niveau de la syphilis tertiaire qu'on appelle, qui est vraiment la dernière progression de la syphilis, il y a des atteintes au niveau du cœur qui peuvent survenir, des vaisseaux sanguins et du système nerveux. La syphilis peut même causer la mort. On s'entend que ça n'arrive plus vraiment de nos jours. Parce que généralement on a un système de santé, on va détecter les symptômes. Les gens plus à risque vont être testés de sorte qu'on peut guérir la maladie. Ce qui est rassurant avec la syphilis, c'est qu'il y a des traitements et ces traitements sont quand même assez simples.

Annie : Oui, donc on est plus au temps de Baudelaire où la syphilis tuait de grands poètes et les gens en souffraient pendant plusieurs années. Il y a des traitements maintenant. Quand on parle des traitements, est-ce que c'est un traitement quand même assez simple et accessible si les gens se font dépister?

Geneviève : Oui. Ce qu'il faut savoir de la syphilis quand on parle de test, c'est que quand on fait un test pour la chlamydia et la gonorrhée, habituellement on va juste prendre un échantillon d'urine et on va faire un test là-dessus. Pour la syphilis, c'est un petit peu plus compliqué, mais pas tant. Ça prend une prise de sang en fait. Donc, il va falloir prendre un échantillon de sang pour faire le test. C'est une bonne occasion en même temps de se faire dépister pour le VIH par exemple, le virus de l'immunodéficience humaine, et aussi…

Annie : Pour les hépatites.

Geneviève : Oui, pour l'hépatite C. Puis le traitement, une fois que l'on sait si le test est positif pour la syphilis, le traitement c'est une injection de pénicilline habituellement. Si les gens ont une allergie à la pénicilline, c'est sûr qu'il y a un traitement alternatif aussi.

Annie : Une fois que la prise de sang est faite, c'est envoyé au laboratoire. Et ça prend quoi ? 24 heures, 48 heures, une semaine pour avoir les résultats ?

Geneviève : Bonne question ! Je ne suis pas certaine. Ça dépend, j'imagine, de l'endroit où on se fait tester. Il faut quand même que l'échantillon se rende au laboratoire. Mais oui, ça va prendre un certain délai. À moins qu'on ait des symptômes francs, il va falloir revenir voir le médecin pour avoir le résultat de son test.

Annie : Donc, durant cette période d'attente, on dit aux gens de, justement, de s'abstenir ou de faire très attention si ça pas encore le résultat.

Geneviève : Oui, exactement. Il va falloir utiliser une méthode barrière comme le condom, par exemple, ou s'abstenir d'avoir des relations avec de nouveaux partenaires en attendant d'avoir le résultat.

C'est une bonne question parce qu'inversement, si on a eu un contact avec quelqu'un que l'on pense à risque ou si quelqu'un nous dit « Ah ben, j'ai eu un résultat positif de syphilis », il y a toujours une période « de fenêtre » qu'on appelle. Donc, une période où on a été exposé, mais avant que l'infection se développe dans notre corps. Il faut attendre après cette période avant de passer un test. Je ne sais pas exactement c'est quoi pour la syphilis, mais ça doit être quelques semaines. Dans le doute, les gens peuvent toujours consulter un médecin, un clinicien, des lignes d'appel santé pour trouver l'information.

Annie : Oui, l'Internet est très utile aussi pour des choses comme ça. J'ai passé un test de syphilis. J'ai un résultat positif. Qu'est-ce qui se passe ? Je vais me faire traiter. Est-ce que je dois le dire à mon partenaire ou mes partenaires des 2 dernières semaines ou 1 mois ou 1 an ?

Geneviève : Selon l'évaluation que le médecin va faire avec vous, il va déterminer depuis quand vous seriez potentiellement contagieux, à risque de transmettre la maladie à quelqu'un d'autre, à vos partenaires sexuels. Puis, il va pouvoir vous conseiller sur la période pour laquelle vous devriez contacter vos anciens partenaires pour leur dire qu'ils ont été potentiellement exposés ou à risque de la syphilis.

C'est quelque chose qui est très important. On appelle ça le suivi auprès des partenaires. C'est important de le faire. Si on est mal à l'aise de le faire nous-mêmes, le médecin peut nous aider ou le médecin va faire appel à une infirmière de santé publique qui elle va pouvoir contacter nos partenaires. Sur les sites Internet de rencontres maintenant, il y a même parfois des options pour pouvoir informer les gens avec qui on aurait été en contact sexuel.

Annie : Donc, comment nous suggérais-tu d'aborder ce genre de conversations avec soit un partenaire ou un professionnel de la santé. Parce que je pense qu'à un moment donné, il faut normaliser ces conversations un petit peu aussi.

Geneviève : Oui, absolument. C'est très important parce que si on veut arrêter la transmission, il faut qu'on arrête la bactérie qui cause la syphilis de circuler. Donc, il faut se faire dépister, se faire traiter, connaître son statut de santé, justement, donc très important.

Je pense que la sexualité c'est quand même quelque chose d'universel, alors c'est important qu'on soit capable d'en parler les uns avec les autres. Oui, c'est gênant. Oui, c'est tabou et tout ça. Mais un professionnel de la santé, il en voit des patients, à chaque jour. Soyez à l'aise avec votre sexualité. Vous n'êtes pas obligé de parler des détails de vos pratiques sexuelles. Juste de parler que vous êtes actif sexuellement, que vous pensez avoir été à risque. Vous n'avez même pas à divulguer vos facteurs de risque ou quoi que ce soit. Vous pouvez simplement aller voir un clinicien puis lui demander : « J'aimerais faire un dépistage pour la syphilis. » Tout simplement. Le médecin n'a pas à poser de questions nécessairement. Et c'est important d'être capable d'avoir ces conversations-là pour prendre soin de vous et prendre soin aussi de vos partenaires sexuels.

Annie : Donc, des fois, quand on parle de santé sexuelle, c'est quand même un peu gênant. Ça peut être tabou un peu. Je ne sais pas si les gens sont toujours à l'aise de parler de ça avec de nouveaux partenaires. S'il y a un malaise, qu'est-ce que tu suggères?

Geneviève : Une chose que j'ai apprise en faisant de la surveillance des ITSS, c'est qu'on ne connaît jamais vraiment tout de notre partenaire sexuel, surtout si c'est quelqu'un qu'on vient de rencontrer. Donc, c'est important de prendre soin de nous-mêmes, d'aller de l'avant pour prendre soin de notre santé sexuelle, d'aller se faire dépister de façon régulière si on a de nouveaux partenaires. Parce qu'on ne peut pas compter sur les gens.

Tu sais, c'est un peu normal, c'est tabou. C'est gênant. Un homme qui a des relations sexuelles avec d'autres hommes, il ne voudra pas nécessairement divulguer ça à son clinicien ou à sa conjointe. Donc, c'est important de prendre soin de nous-mêmes, d'aller de l'avant, d'être responsable avec notre corps et d'aller se faire dépister.

Annie : Tu démontres une belle ouverture face à ce sujet. Je pense que les auditeurs vont sans doute déjà se sentir beaucoup plus à l'aise de la façon dont tu en as parlé. Merci pour ça ! Donc, Geneviève, est-ce ce que le contexte historique de la syphilis en fait une maladie qui est peut-être plus stigmatisée ou un peu plus tabou ?

Geneviève : C'est sûr que la réputation de la syphilis la rend peut-être un peu plus honteuse, en effet. Parce que tu sais, la chlamydia, la gonorrhée ça circule quand même beaucoup. La recrudescence de la syphilis, c'est nouveau. C'est sûr que ça peut être quelque chose qui joue.

Ça me fait penser aussi que le fait que la syphilis est quelque chose de nouvellement en recrudescence ces dernières années, ça fait aussi que les cliniciens, les médecins ou les infirmières qu'on va consulter lorsqu'on veut parler de sa santé sexuelle, ils ont été formés il y a peut-être 20 ans. À ce moment-là, il n'y avait pas tant de syphilis qui circulait. Ce n'était pas quelque chose qui, dans la leur formation médicale, a reçu beaucoup d'attention. Ça se peut que les cliniciens ne soient pas nécessairement tous au fait qu'il y a une recrudescence de la syphilis. C'est quelque chose sur lequel, à l'Agence de la santé publique du Canada, on travaille aussi, pour outiller là les cliniciens. On travaille sur des outils, par exemple, qui peuvent soutenir les autorités de santé publique des provinces et des territoires pour informer leurs cliniciens de leur juridiction sur la syphilis, ses symptômes, la syphilis congénitale chez les nouveau-nés.

Annie : Donc, les diagnostics, mais aussi d'avoir les conversations avec leurs patients.

Geneviève : Oui, absolument. Tout ça, et de façon générale, il y a beaucoup de choses qui sont faites pour aider les cliniciens à avoir des conversations sur des sujets un peu plus gênants. Mais pour avoir parlé avec des gynécologues-obstétriciens qui en ont tellement vu dans leur carrière, pour eux, ce n'est pas gênant. Des fois, c'est nous-mêmes dans notre tête. On se dit « Oh, mon dieu, c'est gênant. C'est humiliant. Qu'est-ce qu'ils vont penser de moi ? » Mais eux ont vu des centaines de patients avant toi. Plusieurs, même, dans la journée. Souvent, il n'y a plus grand-chose qui les surprend.

Annie : Oui, justement. Merci ! Quand tu parles de traitement, c'est quand même assez simple. C'est une injection de pénicilline, gratuit probablement partout au Canada. D'après toi, est-ce que ça crée une nonchalance face aux ITSS entre les partenaires par exemple? Est-ce que ça a un effet pervers d'avoir un traitement justement ?

Geneviève : C'est sûr que ça fait partie des hypothèses. Tu sais quand le VIH est apparu, les gens avaient très peur. Donc l'usage du condom a été en hausse. Maintenant la plupart des ITSS ont des traitements sans que ce soit nécessairement une cure. Par exemple, pour le VIH, c'est juste un traitement qui contrôle les symptômes. Mais on n'est pas guéri du VIH. On continue d'être porteur et ça continue d'avoir des effets sur notre santé, potentiellement à long terme. C'est une maladie chronique maintenant le VIH. Mais c'est sûr que pour les jeunes, c'est peut-être moins présent, parce qu'ils n'ont pas vu des gens mourir du VIH qui s'est transformé en sida. C'était quelque chose pour notre génération, à nous qui ne sommes pas jeunes, qu'on a vu à la télé, et cetera.

C'est important de ne pas devenir nonchalant par rapport au soin de sa santé sexuelle et c'est ça, c'est quand même assez simple. On va se faire dépister et on va se faire soigner, tout simplement.

Annie : Tu as enchaîné exactement sur la pensée que j'avais. Comment est-ce qu'on peut prévenir les nouvelles infections ? C'est la prévention par l'usage du condom, le dépistage et le traitement. Donc, si on fait ça en boucle, on devrait encore pouvoir éradiquer la syphilis ou, à la limite, réduire le nombre de cas au Canada.

Geneviève : Absolument. Quelqu'un qui a la syphilis ou tout ITSS, dans le fond, votre partenaire aussi l'avait sans le savoir. Ce n'est pas plus honteux pour l'un que pour l'autre. On est un peu des victimes de ça l'un et l'autre. Le plus important c'est de s'assurer à l'avenir de se faire dépister fréquemment lorsqu'on a de nouveaux partenaires sexuels.

Je cherchais à savoir c'était quoi la recommandation quand une personne est très active sexuellement, qui a, par exemple, souvent de nouveaux partenaires sexuels. On recommande même des fois d'aller se faire tester plus fréquemment, à chaque 3 mois, à chaque 6 mois. Lorsqu'on a un nouveau partenaire sexuel, ça serait bien d'avoir une conversation avec cette personne avant même une relation sexuelle. Avant, surtout, de laisser tomber le condom par exemple.

Le condom, on m'a déjà dit, ça protège ce que ça couvre. Donc il ne faut pas non plus se toucher avec les parties génitales sans protection non plus, parce que là, c'est sûr qu'on peut avoir été exposé. Aussi parce que la bactérie, elle se trouve sur les sécrétions, et cetera. C'est un peu tout ça qu'il faut prendre en compte pour se protéger et dans l'évaluation de nos facteurs de risque.

Annie : La communication comme moyen de prévention, ça fonctionne aussi. Prévenir, c'est guérir parce que si on en parle avant de faire l'acte, si on en parle avant de s'engager avec un nouveau partenaire, on met les chances de notre côté jusqu'à un certain point. Donc, Geneviève, si je comprends bien, le mot d'ordre c'est le dépistage avec ou sans symptômes, le traitement au besoin et la prévention, comme on a dit, par la communication et des pratiques saines de santé sexuelle.

Geneviève : Oui, absolument. En fait la santé sexuelle, ça devrait faire partie de notre santé générale, de la même façon qu'on va chez le dentiste, ou que l'on prend soin de sa santé mentale, aussi. C'est important d'aller consulter pour sa santé sexuelle, par les dépistages qui sont faits en bonne et due forme.

Annie : C'est le mot de la fin le plus universel, je pense. Il faut s'occuper de sa santé, de sa santé mentale, de toute la santé finalement, de tout ce qui y touche. Merci, Geneviève, pour cette conversation super intéressante et enrichissante !

Geneviève : Merci à toi !

[Son de pouls]

[Musique]

Annie : Merci d'avoir été à notre écoute. Trouvez Canadiens en santé sur toutes les plateformes où vous trouverez habituellement vos balados, ainsi que canada.ca ou YouTube. Abonnez-vous et laissez-nous une mention j'aime pour ne rien manquer de la série Canadiens en santé. Pour rester à l'affut de tous les sujets qui vous tiennent à cœur, visitez le canada.ca/santé.

[Musique]

Modifié le: lundi 31 mars 2025, 12:01